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Suites macabres
2015 - 2003
Avec ce cycle renouvelé de la tradition médiévale de la Danse de mort et des danses macabres d'Amérique latine, le sculpteur Clément découvre et nous révèle l'ossature même de son œuvre. Celle de la critique joyeuse et terrifiée d'une humanité réduite à la grimace cliquetante de ses vices et de ses poses.
La Mort, omniprésente dès l'origine dans sa sculpture, en ressort purifiée, libérée de toute autre signification qu'elle même. Dans cette récente métamorphose de son regard, l'homme, de victime qu'il fut d'abord (devenu au fil des années mutant, puis improbable primitif, et finalement bouffon fabuleux et grandiloquent), s'est mué en ultime expression de lui-même : un squelette, à qui ne reste que quelques lambeaux de ses abattis, et singulièrement ses téguments sexuels, seins, vulves et verges, tout cela empreint d'une étonnante vitalité, saisi par l'éternité dans un travail achevé.
On danse encore ici, on séduit, on proteste, on s'excite. Vanité et orgueil sont toujours de mise. À peine discerne-t-on la trace d'une punition quand la Camarde chevauche ses transis. Ce pourrait être encore l'expression d'une ultime débauche, à peine plus douloureuse que celles de la vie. Entre rictus et sourire, le plaisir ne fait guère la différence.
La terre où est fossilisée cette humanité évoque toute une archéologie nécrophage où, de cimetières en charniers, l'homme se retrouve toujours désespérément semblable à lui-même, au delà des siècles et des cultures. Le trait, lui, opère un raccourci saisissant entre les maniérismes de la gravure du XVème siècle et les graffitis de la bande dessinée.
Dans cette indécence dernière en effet, la parité étant de mise, il convient que chaque thème ait ses deux versions, féminine et masculine, mais qu'aussi les drôles s'emmêlent aux drôlesses.
On ne peut certes parler de la mort sans que viennent rôder le Religieux et le Moral. Clément à n'en pas douter s'en défendra. Pourtant c'est bien le terrible avertissement de l'Ecclésiaste que sa folle danse vient réveiller sous nos yeux. Mais un peu à la manière de Villon, à qui Ultime révérence ne manque pas de faire penser, entre rire et terreur, c'est à l"Homme qu'il nous renvoie et à lui, seul.
Alfred Caron, Petite suite macabre (extraits).