- Ma Bibliothécaire
- Suites macabres
- Camardes
- Les Transis
- Vanités
- Les Informes
- La Mère des masques
- Grands masques
- Les Bouffons
- Simulacres et hommes de boue
- Les Éphémères
- Mama Africa
- Sinistre mémoire
- Téléphones
La Mère des masques
1997 - 1996
Chez les Dogons du Mali, la Mère des masques c'est le Masque-mère, celui par qui tous les autres masques - supports sacrés de toutes les cérémonies et de l'initiation - doivent leur existence. À l'issue d'un rituel qui revient périodiquement, sa mission accomplie, ce Masque-mère est caché au plus profond de la falaise d'où il ne sortira plus jamais. Il laissera la place, pour les rituels à venir, à une nouvelle Mère des masques qui, dans le plus grand secret sera façonnée à son tour pour donner naissance à tous les nouveaux masques indispensables pour les cérémonies et perpétuer la tradition et la pérennité de la communauté.
Pour les Navajos, peuple autochtone du sud-ouest des États-Unis d'Amérique, c'est la Mère des esprits, une sorte de Terre mère qui est la gardienne indispensable de l'équilibre et de la continuité du monde.
Chaque civilisation a ainsi sa face, cachée ou non, masquée par les mythes, entretenant un rapport plus ou moins ambigu (voir avec la psychanalyse) avec les masques.
En Occident, c'est peut-être La Gorgone, la face de Méduse à la chevelure de serpents, qui pétrifie ceux qui croisent son regard mortel. Persée grâce à son bouclier poli comme un miroir viendra à bout du terrible monstre incapable de supporter son propre reflet.
Pour Clément, qui a doté la Mère des masques d'yeux miroirs, c'est peut-être la vieille Baubô qui, dans le mythe antique relève prestement son vêtement sur ses cuisses écartées pour exhiber ce qu'il ne faut pas voir : son sexe béant, ce sourire vertical (titre du film du peintre Robert Lapoujade sorti en 1973) qui fascine tant les hommes et les saisit d'effroi. À cette vue Démeter éclata de rire, ce qui la fit sortir de sa profonde dépression.
À l'encontre du mythe le sculpteur réintègre le sourire vertical à sa vraie place, le visage de la Gorgone-Mère des masques
qu'il partage en deux par une fente démesurée.
Comment ne pas y voir l'Origine du monde ?
Hervé Dampenon